Article rédigé par Pascal FORCIOLI qui est directeur de l’EPSM de Vendée Centre Hospitalier Georges Mazurelle. Il a été directeur du centre hospitalier de Bastia, de l’Hôpital Simone Veil à Eaubonne Montmorency.
Il a aussi été directeur de l’ARH de Picardie, directeur général adjoint de l’ARS du Nord Pas-de-Calais et directeur général de l’Association hospitalière Nord Artois Cliniques. Il est membre du comité éthique de la Fédération hospitalière de France (FHF).
N°4, Novembre 2020
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A partir du déconfinement, l’ensemble des équipes a eu à cœur de retrouver rapidement le mode d’avant – que, par opposition à la période d’exception du confinement, on peut qualifier de « mode normal » : retour des soins en présentiel, réouverture au public des CMP, reprise des hôpitaux de jour, tout en prenant des mesures nouvelles d’accueil et contrôle des accès (avec questionnaire santé flash, prise de température, contrôle du port du masque et du lavage des mains à la solution hydroalcoolique par le patient et son accompagnant) – contraignantes, mais bien acceptées parce que rassurantes pour les usagers.
Dans cette nouvelle période c’est très certainement le port du masque qui a le plus changé le rapport interhumain et tout particulièrement le rapport soignant-soigné même si cela n’a pas entamé la qualité des prises en charge.
Le port du masque a été imposé à tous les professionnels, ainsi que le port de la tenue professionnelle. En psychiatrie, dans les structures ambulatoires (CMP, HJ), mais aussi en intra hospitalier, le port de la tenue professionnelle était plutôt l’exception. Il a fallu expliquer que c’était la règle et pourquoi. C’est une culture du risque infectieux qui a été diffusée rapidement alors qu’elle n’était pas dans l’ADN des soignants de la santé mentale. Certains professionnels ont fait de la résistance en considérant que le masque nuisait à la relation et l’empathie avec le patient, puis s’y sont mis par esprit d’équipe et souci de protéger la santé de leurs patients.
Le port du masque a aussi été imposé aux patients lors de leurs prises en charge en ambulatoire (consultations, entretiens, séances, ateliers), ainsi qu’aux personnes les accompagnant. Le principe qui s’appliquait alors dans les magasins et certains autres lieux en ville, a été bien respecté par les usagers – même si la question qu’ils posaient régulièrement était « jusqu’à quand faudra-t-il porter le masque ? ».
Au final les patients se sont comportés comme la population générale, la plupart résilients et observants, quelques-uns rétifs ou rebelles auxquels la règle devait être rappelée avec le plus de pédagogie et patience possibles. Car bien sûr le soignant se doit d’être attentif à ce que le port du masque ne fasse pas plus de mal que de bien, dans une analyse bénéfice risque propre à chaque personne et à chaque situation. Au-delà de la règle, générale, il convient de laisser la latitude à chaque professionnel d’analyser les adaptations nécessaires sans rigidité excessive, car ce qui compte d’abord est le soin et le bien-être qu’il doit apporter.
Le port du masque n’a été imposé aux patients hospitalisés et aux résidents des unités médico-sociales que pour leurs sorties des bâtiments, que ce soit dans le grand parc de l’établissement, au foyer qui sert de cafetaria, ou à la bibliothèque des usagers qui est un lieu de convivialité, et bien sûr lors des sorties accompagnées (ou pas – pour les patients en placement libre) en dehors de l’établissement. Là encore la contrainte a été bien acceptée. Dans les bâtiments, dans les services, seuls les professionnels restent donc masqués, pas les patients et pas les résidents.
Il est bien sûr demandé aux visiteurs de venir masqués, de respecter la distanciation physique, d’éviter les embrassades, les rapprochements. C’est parfois difficile pour certains patients désorientés, fragiles, qui ont un comportement tactile et ont du mal à observer la règle. C’est aussi difficile à vivre pour les familles qui viennent voir leurs proches et ne peuvent leur manifester les gestes tendres dont eux comme leurs proches ressentent le besoin. Il peut y avoir un relâchement des mesures barrières qu’on ne peut pas contrôler en permanence.
Dans la période qui s’est ouverte à partir de fin juin, un relâchement général des consignes avait lieu au plan national et dans la cité, mais en interne les mesures barrières sont restées en vigueur, avec une observance moindre il faut le reconnaitre – en tout cas jusqu’à mi-septembre où le discours des autorités a rappelé l’importance des gestes barrières.
L’évolution de la circulation du virus sur le territoire national, la survenue de clusters en Vendée, la situation épidémique internationale, acerbe à nouveau l’inquiétude et pour certains l’angoisse. Dans le monde du travail, à l’hôpital comme dans l’entreprise les rapports se bouleversent. On travaille soit seul dans son bureau, soit masqué dans les lieux communs, on se salue à distance, on ne serre plus les mains, on ne fait plus la bise, mais on lève certaines barrières au self, dans la salle de pause, au vestiaire… On gère des injonctions paradoxales : vivre avec le virus, s’en protéger, en protéger les autres, continuer à être ensemble, préserver le collectif, le rapport humain, faire comme avant ou presque…
L’humain est un être pensant, émotif, il a besoin d’affect, il a des peurs, son histoire individuelle le rend plus ou moins fort, plus ou moins faible et la pandémie qui secoue le social, l’économique, le sanitaire, le politique, le déstabilise sans doute plus profondément qu’on ne le perçoit aujourd’hui parce que nous sommes toujours plongés dans l’évènement.
Alors les RETEX dont nous avons besoin aujourd’hui, ce sont des retours sur le futur pour mieux nous préparer à la suite, peut-être inimaginable encore. On ne peut que recommander qu’un RETEX soit réalisé dans chaque établissement, car chaque établissement est une communauté unique. Et qu’y participent le plus grand nombre de personnes, professionnels, usagers, familles, partenaires institutionnels.
Plusieurs enseignements sont à tirer des RETEX par les managers : notamment sur la mise en place d’équipes de réserve en cas de baisse d’activité ou d’anticipation de pic épidémique, sur l’accompagnement du télétravail, sur l’animation du collectif en situation de travail distanciel, sur le confinement des patients ou résidents jusqu’où, sur le plan de continuité et le plan de reprise des activités, sur la communication interne, sur la communication externe, sur la communication « client », sur la concertation sociale sur les nouvelles organisations du travail, sur la prise de décision et l’exercice collégial du pouvoir…
Pour aller plus loin :
[i] Mise en œuvre de la réforme du financement de la psychiatrie annoncée comme entrant en vigueur au 1er janvier 2021 [ii] Décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 (JO du 6 mai 2020)Nous remercions vivement Pascal FORCIOLI, Directeur du centre hospitalier de Bastia, Membre du comité éthique de la Fédération hospitalière de France, Délégué Régional de la Fédération Hospitalière de Corse, de partager son expertise éthique et managérial pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com
Biographie de l’auteur :
Pascal FORCIOLI, est directeur de l’EPSM de Vendée centre hospitalier Georges Mazurelle. Il est membre du comité éthique de la Fédération hospitalière de France (FHF).
Il a été directeur du centre hospitalier de Bastia, de l’Hôpital Simone Veil à Eaubonne Montmorency. Il a aussi été directeur de l’ARH de Picardie, directeur général adjoint de l’ARS du Nord Pas-de-Calais et directeur général de l’Association hospitalière Nord Artois Cliniques.
Il a enfin été chargé de mission à la direction des hôpitaux au ministère de la Santé (1988-1991) et directeur du CH de Senlis dans l’Oise (1991-1997), puis du groupement hospitalier Simone-Veil à Eaubonne-Montmorency dans le Val-d’Oise (1998-2005).
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