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Quelles sont les propriétés invariantes des « systèmes humains » et leurs conséquences ? (1/2) Par Dominique BERIOT

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 Article proposé par notre expert, Dominique BERIOT (spécialiste de l’approche systémique du changement et du management dans les entreprises depuis plus de 40 ans), conférencier  et auteur de nombreux articles & ouvrages 


N°10, Avril 2019 


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Dans une approche systémique, quelles que soient la demande exprimée, la nature de l’organisation concernée, les caractéristiques des acteurs impliqués, les propriétés invariantes des systèmes ouverts représentent des sources fondamentales pour construire une stratégie de changement individuelle ou collective. Ces propriétés sont reconnues par tous les experts qui ont travaillé sur les concepts de systèmes, qu’ils soient plus particulièrement centrés sur les aspects théoriques, organisationnels ou méthodologiques, comme L. Von Bertalanffy, J.L. Lemoigne, J. Mélèse, ou centrés sur les problèmes de changement des hommes, comme G. Bateson, M. Erickson, P. Watzlawick, J.H. Weakland. Tous ont contribué à expliquer, développer et appliquer cette nouvelle logique.

Cette première partie présente brièvement, trois des six propriétés et leurs conséquences méthodologiques : finalité, totalité non-sommativité et équifinalité

La seconde partie viendra compléter cette présentation en exposant les autres propriétés : homéostasie et régulation, complexité et adaptabilité, information et interaction.

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A – LA FINALITÉ : quelle serait-elle pour le système humain ? 

La finalité correspond à une spécificité vers laquelle tend tout système complexe, malgré les pressions de son environnement. Cette raison d’être, naturelle et souvent inconsciente, conditionne le fonctionnement d’un système et ses modes d’adaptation aux contraintes extérieures. Elle le conduit à s’auto-organiser et trouver les moyens nécessaires à sa survie ou à son développement. Tout se passe comme si son énergie était mobilisée dans une direction. C’est le « vers quoi » l’ensemble tend naturellement.

La finalité d’un système humain se repère à travers ses comportements sur une période donnée. Elle ne s’explique cependant pas toujours de façon rationnelle ou scientifique. Elle sert davantage d’attracteur de cohérence comportementale que de but précis à atteindre. Les comportements permettent donc de percevoir la direction du système. La finalité est une propriété soit « émergente », révélée par le comportement naturel du système, soit « affichée », correspondant à une intentionnalité choisie ou imposée, pour optimiser, maintenir ou développer une ou plusieurs activités.

Clarifier ses intentions, c’est donner du sens à ses actions et à sa vie. Expliciter un changement à d’autres, c’est dévoiler ses intentions. Cela peut conduire à révéler des ambiguïtés, voire des contradictions, à générer des procès d’intention. Or si la finalité d’un système n’est pas formulée clairement par les responsables sous la forme d’objectifs et de résultats attendus, les énergies dépensées par les sous-systèmes risquent de se mobiliser dans des directions différentes ou opposées.

En effet, l’observation du comportement des sous-systèmes, à travers leurs actions et leurs résultats, met parfois, sinon souvent, en évidence des enjeux et des objectifs différents de ceux du dirigeant.

Ces sous-systèmes tendent à suivre le courant de leur propre raison d’être, ce qui peut entraîner des divergences profondes et, à terme, un coût considérable. En fait, une entreprise aura d’autant plus de chances d’atteindre ses résultats que les actions et les objectifs des différents sous-systèmes seront convergents et cohérents.

Encadré 1, LA FINALITE (conséquences)

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B – TOTALITÉ ET NON SOMMATIVITÉ : peut-on parler de la primauté de l’interaction entre les hommes ? 

Pour illustrer cette propriété, prenons, à titre d’exemples, trois types de systèmes : deux équipes de tireurs de corde, un match de football, un groupe de grévistes. Et cherchons ce qui les différencie. Lors de l’affrontement de deux équipes de tireurs de corde, chaque équipe se présente comme un bloc obéissant à des règles qui limitent le nombre et la variété des interactions entre les joueurs. De ce fait, la variation du comportement de l’équipe est, dans une certaine mesure, prévisible à travers la variation de ses éléments. Si un membre d’une équipe se retire ou tombe, il est probable que son équipe perde.

Dans un match de football, au contraire, les interactions sont tellement plus nombreuses, tellement plus variées, qu’il est difficile de prévoir le nombre de buts qu’inscrira chaque équipe. De même, la défaite de l’une d’elle ne saurait être pronostiquée du seul fait de l’exclusion d’un de ses joueurs. Il est illusoire de réduire une équipe à la seule addition de ses joueurs.

Il est encore plus invraisemblable de caractériser un groupe de grévistes par la connaissance de tous ceux (employés, ouvriers, délégués du personnel, syndicalistes, encadrement) qui la composent. Également impossible de prévoir l’évolution de leurs comportements si quelqu’un crie plus fort, si un membre de la direction insulte un gréviste. Ici, l’infinité des interactions, en regard d’une absence de règles, nous plonge dans l’inconnu.

Ces trois exemples démontrent que plus un système est complexe, plus se vérifient ces deux propriétés indissociables :

. La totalité : principe selon lequel un système, du fait des liens qui existent entre les éléments, est un tout. Joël de Rosnay en exprime ainsi la conséquence : « Toute modification de l’un des éléments entraînera une modification de tous les autres et du système entier ».

De mon côté, j’ai constaté que toute modification (évolution, retrait, ou ajout) d’un individu du système ayant une influence sur d’autres personnes, peut entraîner une modification du système entier. En revanche, toute modification d’un élément sans relation d’influence peut n’avoir aucun effet sur le fonctionnement du système. Autrement dit, le changement d’un système sera d’autant plus important que les interactions générées par l’élément modifié sont fortes. Cela implique que l’on s’intéressera plus aux interactions entre les éléments d’un système qu’aux éléments eux-mêmes.

. La non-sommativité : principe qui proscrit de considérer un tout comme la somme de ses parties. Et par conséquent, de déduire les caractéristiques du système en effectuant la somme des caractéristiques de ses éléments. Et, à l’inverse, de déduire les caractéristiques d’un élément à partir des caractéristiques de l’ensemble auquel il appartient. Edgar Morin indique : « le tout est à la fois plus et moins que la somme des parties ». Le tout est un ensemble non réductible à la somme de ses éléments du fait de ses interactions multiples et variées qui le parcourent. On peut donc le considérer comme une globalité et non comme une totalité. Ceci nous conduit à repérer, dans un ensemble, le système pertinent qui nous intéresse afin d’intervenir efficacement et d’éviter de se laisser engloutir par la complexité.

Encadré 2, TONALITE ET NON SOMMATIVITE (conséquences)

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C – EQUIFINALITÉ : pourquoi le temps et la distance modifient-ils le résultat final de son état initial ? 

Cette propriété spécifie que dans un système en relation avec un environnement :

  • un même état final peut être atteint à partir de conditions initiales différentes,
  • avec le temps et avec le jeu des interactions internes et externes dans lequel le système évolue, l’état d’un système devient de moins en moins dépendant des conditions initiales.

En effet, la différence entre l’état antérieur et l’état actuel d’un système résulte, d’une part, de tous ses échanges avec son environnement spécifique souvent fluctuant et, d’autre part, des interactions internes au système, c’est-à-dire des échanges entre les éléments ou sous-systèmes qui le composent.

On touche ici le cœur de la complexité d’un système, siège d’échanges circulaires permanents. En effet, en transformant de la matière, de l’énergie ou de l’information, tout système produit en même temps les éléments nécessaires à son maintien ou à son développement et à son organisation.

Selon la même logique, il est difficile d’apprécier le devenir d’un système par la seule observation de sa structure et de son fonctionnement actuel. Le lieu, la nature et l’importance des variations du système, liées aux pressions de l’environnement et à la diversité des interactions internes, sont généralement imprévisibles.

Dès lors que l’on reconnaît cette propriété, on se rend compte de l’inutilité (et de la vanité !) de vouloir remonter le temps pour comprendre un système ou prévoir son fonctionnement futur. Ceci réduit considérablement l’efficacité des modèles explicatifs.

Plus l’intervalle de temps entre l’état initial et l’état actuel d’un système est long, plus le système a « bougé » en raison des pressions de l’environnement et de la multiplicité des relations internes et externes au système. Il est donc difficile, voire impossible, d’expliquer l’état actuel du système par son état premier. Ce raisonnement est également valable pour le futur. Nul n’est capable de prévoir l’incidence des modifications de l’environnement et des interactions à venir.

 Image 1 Equifinalité

 

Encadré 3, EQUIFINALITE (conséquences)

Ces propriétés communes aux systèmes humains ont fondé les outils, les méthodes et les principes stratégiques d’une approche systémique pour répondre de manière cohérente aux demandes de changement individuel ou collectif.

 

La seconde partie exposera les trois autres propriétés et leurs conséquences méthodologiques : l’homéostasie et la régulation, la complexité et l’adaptabilité, l’information et l’interaction.

 


Version 2

 

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Nous remercions vivement  Dominique BERIOT  (spécialiste de l’approche systémique du changement et du management dans les entreprises depuis plus de 40 ans), conférencier  et auteur de nombreux articles & ouvrages, dont le dernier paru en Février 2018, « Guide systémique du manager d’équipe: 40 situations managériales du quotidien » aux Editions Eyrolles), de partager son expertise professionnelle avec nos fidèles lecteurs de www.managersante.com


Biographie de l’auteur : 
Dominique BERIOT, possède une triple expérience professionnelle. D’abord comme manager ou dirigeant dans cinq entreprises différentes de 2000 à 15000 personnes, puis comme consultant de l’entreprise de conseil qu’il a créée et spécialisée dans la conduite du changement par l’approche systémique. Il contribue à la diffusion de la pensée systémique à travers des conférences et des travaux de recherche. Dominique BERIOT a publié 6 ouvrages dans le domaine du management et, plus spécifiquement sur l’approche systémique du changement, dont les plus récents : – « 

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Dominique BERIOT

Dominique BERIOT, possède une triple expérience professionnelle. D'abord comme manager ou dirigeant dans cinq entreprises différentes de 2000 à 15000 personnes, puis comme consultant de l'entreprise de conseil qu'il a créée et spécialisée dans la conduite du changement par l'approche systémique. Il contribue à la diffusion de la pensée systémique à travers des conférences et des travaux de recherche. Dominique BERIOT a publié 6 ouvrages dans le domaine du management et, plus spécifiquement sur l'approche systémique du changement : - "Guide systémique du manager d'équipe, 40 situations managériales du quotidien", Eyrolles, 2018. , - "Manager par l'approche systémique, s'approprier de nouveaux savoir-faire pour agir dans la complexité", Eyrolles, 2014. (préface Michel Crozier). - "Du microscope au macroscope, l'approche systémique du changement dans l'entreprise", (préface de Joël de Rosnay) ESF, 1992. - Management et Sécurité, la protection des personnes et des biens, Fayard, 1971. - Les tests en procès, (en collaboration avec Alain Exiga), Dunod, 1970. - Passeport pour l'emploi, (en collaboration avec Alain Exiga), Fayard, 1969. Il a publié de nombreux articles sur plusieurs sites et dans différentes revues spécialisées. Dans le champ de l'ingénierie pédagogique, il a réalisé des films et produit des CD pédagogiques sur le management. Il a également une expérience dans l'enseignement sur les relations sociales dans des Grandes Ecoles prestigieuses (HEC, CESA, ENST, ESCP...). Enfin, de 1987 à 1991, il a été Président du Comité d'Ethique de l'Institut Curie à Paris pour les essais thérapeutiques sur l’homme.

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