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Pouvons-nous utiliser la « démarche capacitaire », issue de la Défense, pour répondre à certaines vulnérabilités de notre Système de Santé ?

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N°2, Mars 2019


 

Article publié  par notre nouvel expert, Guillaume JEUNOT (Responsable de la sécurité des Systèmes d’Information et Délégué à la protection des données chez le Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) de Vendée). Membre de la SoFGRES (Société Française de la Gestion des Risques en Etablissement de Santé). Il est Diplômé d’un Master à l’Université de Toulouse en Biotechnologies et Bio-industries et formé en 2016 à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN, Établissement public, à dimension interministérielle, placé sous la tutelle du Premier ministre) à l’intelligence économique et stratégique.

* Un glossaire à la  fin de cet article

 

La stratégie de transformation du système de santé “Ma Santé 2022” nous engage plus fortement encore que les précédentes politiques de santé dans une acception plus large du terme santé. Nous tendons à nous rapprocher du concept de santé au sens de l’OMS qui fait apparaître de nouveaux enjeux de santé publique et de nouvelles menaces.

«La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité» (site OMS).

Le Président de la République, dans son édito du dossier de presse sur “Ma Santé 2022”, établit une première énumération des défis que nous devons relever :   défis épidémiologiques, vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques, fracture géographique,…

Quelle est notre capacité à relever ces défis qui sont de réelles menaces pour notre système de santé ?

L’évocation de menaces, pour un ancien officier du Service de Santé des Armées, rappelle les enjeux de défense et de sécurité nationale et la manière dont le Ministère de la Défense y répond. Hasard du calendrier,  la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2019-2025 précisant les moyens de défense de demain, vient d’être publiée. Elle s’inscrit dans le cadre de la réforme de la Direction Générale de l’Armement (DGA) fixant  3 objectifs [1] : travailler en équipe, travailler plus vite, équilibrer les relations entre le ministère et les industriels.

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Quelles similitudes entre la Loi de Programmation Militaire et la Loi de Santé?

Cette LPM tend à répondre à la question du renouvellement des capacités militaires en remplacement ou en améliorant les systèmes existants et en comblant les lacunes identifiées.

Il s’agit de répondre aux enjeux évidents du renouvellement des capacités militaires que sont le financement, l’industrie (les technologies) et la dimension humaine. L’approche du renouvellement des capacités pose également la question du renouvellement des pensées stratégiques et tactiques.  L’objectif à atteindre consiste à ce que la réponse soit en phase avec les situations à affronter de demain et que les nouveaux matériels, dans lesquels s’opèrent les investissements, ne servent pas des concepts vieillissants voire dépassés.

« L’approche du renouvellement des capacités pose également la question du renouvellement des pensées stratégiques et tactiques »

Pour autant, il est intéressant de noter la grande similitude de la structuration des enjeux entre “Ma Santé 2022” et la LPM. Il s’agit d’abord de mettre l’humain au cœur du dispositif. Ces réformes visent ensuite au renouvellement des capacités opérationnelles.

L’innovation est placée au cœur des initiatives. Enfin, peut être le moins évident, il est question de la souveraineté face à des acteurs internationaux (pour la santé, il s’agit pour les GAFA, friands de nos données et des potentialités économiques, de devenir structurants dans notre offre de santé).

Cette similitude interroge également sur la manière dont nos administrations de santé et de défense, construisent leurs réponses aux enjeux de demain.

Organisation de la « démarche capacitaire »: de quoi parle t-on ? 

En sciences humaines, Sylvain Hanneton (dans un de ses articles) définit le “corps capacitaire” par ses aptitudes à modifier ses capacités d’action ou de perception d’instant en instant, se saisissant de nouveaux outils, en déposant d’autres au fur et à mesure que se présentent les demandes de l’activité en cours.

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En Défense, la démarche capacitaire permet d’identifier les menaces à 15 ou 20 ans actualisées périodiquement et analysés au travers de schémas directeurs. Ces schémas sont élaborés conjointement par l’Etat Major des Armées (EMA) qui a, en responsabilité, l’emploi des forces armées, le commandement des opérations militaires et la Direction Générale de l’Armement (DGA), qui a pour mission de préparer l’avenir des systèmes de défense et équiper les forces armées françaises.

Il découle de ces travaux des scénarios opérationnels de dimensions adaptés  des grandes orientations d’emploi, de technologies et de coopérations.

Cette démarche prend également en compte la soutenabilité financière des scénarii et accorde une grande importance aux partenariats avec les acteurs industriels.

Approche par “effets militaires attendus”

Les travaux d’analyse capacitaire ont vocation à mettre en évidence des effets militaires à produire dans les environnements probables mis en évidence dans les scénarii. La pertinence de ces analyses vient de la capacité à capitaliser sur un patrimoine informationnel d’évolution de la menace.

Ces analyses prennent également la forme d’étude technico-opérationnelles permettant un travail collaboratif entre les acteurs de l’administration de défense et les industriels.

Abordées sous l’angle de l’analyse de la valeur et de l’analyse fonctionnelle, elles peuvent aboutir des propositions, à minima, mais permettre également des propositions de transformations plus importantes justifiées et pragmatiques.

En pratique,  les capacités d’aujourd’hui sont mises en perspective sur  l’évolution de la menace, des besoins prévisibles, des ruptures technologiques et sur l’évolution des coopérations pour proposer les capacités de demain.

Base Industrielle et Technologique de Défense : une nécessité

La BITD est l’acronyme de « Base Industrielle et Technologique de Défense ». Comme nous l’avons vu précédemment,  le partenariat avec les industriels de défense dans la construction de notre réponse militaire, est essentiel. La BITD est également indispensable pour la souveraineté de notre Nation. Les enjeux économiques étant importants, la France défend une BITD forte au niveau européen. Cette échelle permet d’espérer un équilibre en entre les entreprises européennes et américaines notamment.

Mais évoquer un projet industriel européen sous-tend un projet politique commun au delà des mécanismes de coopération inter-état.

Le rapport de force et la dimension européenne constituent donc un levier de performance.

Quelle peut-être l’application de la « démarche capacitaire » en Santé ?

On ne peut pas aborder les questions de défense nationale sans un regard géopolitique et géostratégique. Une action, même très localisée, peut avoir des répercussions majeures à des échelles beaucoup plus importantes. De la même manière, la contextualisation et la connaissance de l’écosystème peut faire la différence entre la réussite et l’échec d’une mission.

L’application d’une démarche capacitaire en santé, dont on retrouve certains mécanismes dans la stratégie “Ma Santé 2022”  nous interroge dans le besoin d’aller plus loin sur une Santé perçue comme « un état de complet bien-être physique, mental et social« .

Elle nous interroge également sur la manière d’aborder de nouvelles formes de pandémies. Par exemple, celle probable de la stéatose hépatique qui n’est pas liée à un mécanisme de contagion, dû à la propagation de maladies infectieuses, mais fortement liées à des habitudes alimentaires délétères. (source: State of health in the EU – Companion report 2017).

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En conclusion, la démarche capacitaire interroge également sur la complémentarité des acteurs publics privés.

Dans le domaine des systèmes d’information de santé, elle permet un éclairage sur les formes que ces systèmes pourraient prendre et influer sur la redéfinition des rôles des acteurs : impacts de la blockchain, cohérence des informations, interopérabilité et arbitrage sont autant d’éléments de scénarisation.

Mais elle peut également nous éclairer sur le positionnement d’acteurs comme les GAFA pouvant être appréhendés comme une menace ou une opportunité dans l’évolution de nos systèmes d’information.

 


Pour aller plus loin : 

  1. Dossier de presse – Ma santé 2022 : un engagement collectif
  2. Constitution de l’OMS: ses principes
  3. Vos questions les plus fréquentes
  4. [VIDEO] Florence PARLY « Le plan de transformation de la Direction générale de l’armement »
  5. Revue Défense n° 195, novembre-décembre 20178, UNION-IHEDN
  6. Mesures d’organisation et d’adaptation de la défense 2019
  7. Du corps biologique au corps capacitaire (Sylvain Hanneton)
  8. State of health in the EU – Companion report 2017

Glossaire pour comprendre : 

Direction Générale de l’Armement (DGA) est une direction du ministère français des Armées qui a pour mission de préparer l’avenir des systèmes de défense français, équiper les forces armées françaises et promouvoir les exportations de l’industrie française de défense.

Loi de programmation militaire (LPM)  est une loi visant à établir une programmation pluriannuelle des dépenses que l’État français consacre à ses forces armées. Les lois de programmation militaire ont des durées d’application de quatre, cinq ou six ans.

GAFA acronyme qui désigne quatre des entreprises les plus puissantes du monde de l’internet à savoir : Google, Apple, Facebook et Amazon.

Etat Major des Armées (EMA) est le responsable de l’emploi des forces armées. Il assure le commandement des opérations militaires (sous réserve des dispositions particulières relatives à la dissuasion nucléaire).

BITD est l’acronyme de base industrielle et technologique de défense. Il s’agit de l’ensemble des industries nationales d’un pays prenant part aux activités de défense, que l’on appelle industrie de défense ou encore, industrie de souveraineté.

Blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle (définition de Blockchain France).

Interopérabilité est la possibilité de communication entre deux ou plusieurs systèmes, appareils ou éléments informatiques.

 

[1] Revue Défense n° 195, novembre-décembre 20178, UNION-IHEDN

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Nous remercions vivement le Guillaume JEUNOT (Responsable de la sécurité des Systèmes d’Information et Délégué à la protection des données chez le Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) de Vendée), membre de la SoFGRES (Société Française de la Gestion des Risques en Etablissement de Santé), pour partager son expertise professionnelle pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com


Biographie de Guillaume JEUNOT :
Responsable de la sécurité des Systèmes d’Information et Délégué à la protection des données chez le Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) de Vendée.
Diplômé d’un Master à l’Université de Toulouse en Biotechnologies et Bio-industries et formé en 2016 à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN, Établissement public, à dimension interministérielle, placé sous la tutelle du Premier ministre) à l’intelligence économique et stratégique.
Il anime la commission Santé & IE de l’association IE-IHEDN et le groupe de travail sur le Cyber et les administrations dans la commission cyber stratégie de l’UNION-IHEDN.
Il s’intéresse aujourd’hui aux différentes mutations des systèmes d’information de santé, qu’elles soient dans leurs gouvernances, leurs technologies ou leurs finalités.
Son expertise consiste à assurer et mettre en cohérence la sécurité des systèmes d’information, pour permettre la confiance, aussi bien intra que cyber, dans ses dimensions de conformité réglementaire et opérationnelle.
Il s’appuie sur les mécanismes de l’intelligence sociétale et stratégique pour privilégier une approche pragmatique dans l’analyse et favoriser l’intelligence collective.
Membre de la SoFGRES (Société Française de la Gestion des Risques en Etablissement de Santé), il intervient lors des congrès et colloques en qualité d’expert sur son domaine d’activité en lien avec les problématiques SIH des établissements de santé.

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Guillaume JEUNOT

Ancien Responsable de la sécurité des Systèmes d'Information et Délégué à la protection des données chez le Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) de Vendée. Diplômé d'un Master à l'Université de Toulouse en Biotechnologies et Bio-industries et formé en 2016 à l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN, Établissement public, à dimension interministérielle, placé sous la tutelle du Premier ministre) à l'intelligence économique et stratégique. Il anime la commission Santé & IE de l'association IE-IHEDN et le groupe de travail sur le Cyber et les administrations dans la commission cyber stratégie de l'UNION-IHEDN. Il s'intéresse aujourd'hui aux différentes mutations des systèmes d'information de santé, qu'elles soient dans leurs gouvernances, leurs technologies ou leurs finalités. Son expertise consiste à assurer et mettre en cohérence la sécurité des systèmes d'information, pour permettre la confiance, aussi bien intra que cyber, dans ses dimensions de conformité réglementaire et opérationnelle. Il s'appuie sur les mécanismes de l'intelligence sociétale et stratégique pour privilégier une approche pragmatique dans l'analyse et favoriser l’intelligence collective. Membre de la SoFGRES (Société Française de la Gestion des Risques en Etablissement de Santé), il intervient lors des congrès et colloques en qualité d'expert sur son domaine d'activité en lien avec les problématiques SIH des établissements de santé.

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3 réponses

  1. L’article de Guillaume Jeunot est extrêmement intéressant et ouvre à la réflexion. Il me vient tout de même une question : sans faire preuve de naïveté, pourquoi les évolutions majeures de nos sociétés, certes forcément en crise, sont-elles appréhendées en termes de menaces ou de risques de perte de souveraineté ? Pourquoi notre mode d’existence se construirait-il sous la forme d’un état d’urgence permanent? A toutes fins utiles, je précise que je suis fils de militaire. Mon père embarque pour l’Indochine le jour de ses vingt et un ans. Sa famille, dont moi, sommes présents à ses côtés à Alger de 58 à 62. Nous sommes encore présents au Cameroun de 1966 à 1968. Ce n’est pas la référence à la stratégie militaire qui me gêne, mais le recours à un paradigme fondé sur le modèle de la guerre pour penser les systèmes du « prendre soin ». Merci à vous.

    1. Bonjour, je pense que ce qui est intéressant dans une approche capacitaire est la scénarisation qu’elle impose, la méthode. Elle demande une démarche prospective qui dépend d’évolutions possibles, souhaitables ou non, de l’écosystème. La souveraineté que j’évoque n’est pas qu’une démarche d’opposition ( de conflit) mais bien de répondre à un enjeu de garder une maitrise de notre système de santé par des oppositions, peut être, mais également des collaborations.

      1. Oui, monsieur Jeunot, j’entends vos précisions et je les acquiesce. Vous êtes un honnête homme, j’en suis sûr. Et je vous remercie de l’opportunité offerte par votre article de réfléchir ce qui pour moi relève du caractère non transférable des ressorts de l’organisation militaire vers celle des métiers du prendre soin. Même si les similitudes peuvent être réelles entre ces deux champs et même si ce transfert de l’un à l’autre peut sembler efficace. Et autorisez-moi à
        soutenir cette position non en raison d’un quelconque antimilitarisme mais parce que les moyens propre à l’armée pour atteindre ses fins ne peuvent pas et même ne doivent pas êtres utilisées pour les fins qui sont celles des métiers de l’humain. Sauf, peut-être, à convaincre les humains qu’ils ne peuvent pas être autrement que dans un état de guerre permanent… Mais une fois encore merci pour l’opportunité offerte de « penser ».

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