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Comment sortir de la crise hospitalière en France ? 5 expériences internationales inspirantes….


N°2, NOVEMBRE 2017


Episode 2 : « Burning out : dans le ventre de l’hôpital » : comment sortir de la crise à l’Hôpital en France ? : 5 expériences internationales inspirantes….  

 

En tant que Directeur d’Hôpital, on ne peut être qu’ému par le documentaire « Burning out, dans le ventre de l’hôpital », diffusé ce Mardi 3 Octobre 2017 sur Arte.

Comme je l’ai expliqué dans mon premier article publié en Octobre 2017, les problèmes rencontrés par le système de santé français sont très complexes et sont rencontrés de manière similaire à l’étranger. S’il est important d’identifier les racines de cette situation dégradée, qui vont au-delà de l’aspect financier, il est encore plus capital d’identifier quelles pistes de sortie possibles de la spirale négative dans laquelle il se trouve, en s’inspirant de ce qui se pratique à l’étranger. Nous vous présentons  5 pistes intéressantes, dont le système Français pourrait s’inspirer…

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De nouveaux modes de financement de la santé : l’exemple  Suédois 

De nombreux systèmes de santé abolissent progressivement la Tarification à l’Activité (ou T2A) et sa course sans fin à l’activité. Ils développent des modes de financement dits « à la valeur » comme le financement au parcours du patient. Ces modes de financement s’appuient sur des indicateurs financiers mais aussi qualitatifs comme par exemple le taux de réadmission à 30 jours.

En Suède par exemple, le financement des prothèses de hanche ne se réalise plus que sur la base d’une enveloppe destinée à financer l’ensemble des soins nécessaires, de l’hôpital à la rééducation.

Cette approche permet de retrouver le sens de la prise en charge globale du patient et de renforcer les liens entre les différents acteurs. Il faut cependant noter que ces nouveaux modes de financement maintiennent une notion de coût : les finances publiques ne sont pas extensives et leur utilisation efficiente, tant en terme de coût que de meilleur résultat possible pour les patients, est indispensable.

Il faut aussi souligner que ces modes de financement, s’ils ont plus de sens, impliquent aussi des évolutions importantes des pratiques médicales et soignantes.

En effet, ils nécessitent une plus grande coordination de l’ensemble des acteurs et une approche pluridisciplinaire moins centrée sur la compétence médicale.

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Des décisions courageuses sur l’offre de soins : l’exemple Irlandais du Nord

De nombreux pays sont confrontés par une équation aussi complexe que la France. Dans un contexte budgétaire et démographique contraint, une réflexion d’ensemble permet de clarifier la répartition de l’offre de soins plutôt que de laisser le « marché » (pénurie médicale, baisse d’activité…) décider.

L’Irlande du Nord, avec sa réforme « Transforming Your Care » déjà évoquée par Hôpital-Trotter est un exemple inspirant.

Plutôt que de laisser les pressions qui s’opèrent sur le système de santé façonner son avenir (vieillissement de la population, développement des pathologies chroniques, finances publiques exsangues, etc.), une réflexion d’ensemble a été engagée avec les acteurs pour  transformer fondamentalement le système de santé.

Cela a amené le gouvernement d’Irlande du Nord à transférer les ressources des hôpitaux vers les soins à domicile, moins coûteux et correspondant mieux aux attentes des patients.

Des fermetures de service, le regroupement de l’offre de soins techniques (blocs, maternités, etc.) sur moins de sites, mais aussi l’ouverture de maisons de santé pluridisciplinaires et de centres de proximité ont été décidées, en recherchant une répartition permettant de répondre aux besoins de la population.

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Des pratiques managériales réinventées : l’exemple des Pays-Bas 

Au vue de l’évolution du profil des professionnels de santé, le maintien d’un statu quo des pratiques managériales est insatisfaisant.

On voit bien dans le documentaire d’Arte que les solutions viennent souvent des équipes elles-mêmes, et de leur capacité à identifier des solutions à leurs problématiques du quotidien.

Certaines méthodes managériales, comme la méthode « lean» visent à donner l’initiative aux équipes. Certains réfléchissent déjà à l’application du concept de l’entreprise libérée aux hôpitaux, comme l’explique Frédéric Spinhirny dans son article « Management et hôpital libéré ».

A l’étranger, il existe des exemples de questionnement en profondeur de la hiérarchie traditionnelle du monde de la santé. C’est par exemple le cas de Buurtzorg aux Pays-Bas (qui commence à se développer en France avec l’association « Soignons Humain »).

Cette entreprise de soins à domicile à but non lucratif repose sur un modèle simple : des petites équipes autonomes d’Infirmiers Diplômés d’Etat, chargées d’assurer la prise en charge globale d’un ensemble de patients à domicile. Ces équipes s’auto-gèrent pour assurer une prise en charge centrée sur les patients et leurs proches.

L’entreprise offre un soutien logistique et technologique (en particulier un logiciel informatique permettant de partager les informations en temps réel) mais aucun lien hiérarchique ni managérial. Equipe de 4 infirmiers en 2006, Buurtzorg en compte 8 000 en 2014.

Un rapport de KPMG de 2012 explique que « le programme est centrée sur des infirmiers (plutôt que des aides-soignants ou des auxiliaires de vie) qui sont chargés de délivrer l’ensemble des soins dont a besoin le patient à domicile. Même si le coût horaire est plus élevé, le bilan final est positif car il y a eu besoin de réaliser moins d’heures. En effet, en changeant le modèle de soins Buurtzorg a réduit de moitié le nombre d’heures de soins, amélioré la qualité des soins et augmenté la satisfaction de ses employés ».

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Des actions pour améliorer la QVT des soignants : le concept de « Magnet Hospital » aux Etats-Unis

Le concept de Magnet Hospital a été inventé aux Etats-Unis. Il caractérise des hôpitaux attractifs, qui attirent et retiennent un personnel soignant qualifié et motivé en dispensant des soins de haute qualité, en promouvant des pratiques infirmières d’excellence et en développant l’innovation soignante.

Un label « Magnet » a été créé en 1990 par le Centre Américain d’Accréditation Infirmière (American Nurses Credentialing Center) pour évaluer et valoriser les hôpitaux les plus vertueux en termes de qualité de vie au travail (QVT)  infirmière.

Une étude menée parmi 500 hôpitaux démontre que l’environnement de travail est notablement meilleurs dans les hôpitaux labellisés « Magnet » que dans les hôpitaux classiques. Le niveau d’insatisfaction et de burnout des infirmiers y est inférieur (-18% et -13%).

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Une évolution des mentalités sur le burn-out médical : un Site dédié aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, des études ont montré que 40% des médecins présentent des signes de burnout, soit 10% de plus que le reste de la population. Ce sujet a longtemps été tabou mais l’AMA (American Medical Association) s’est saisie de ce problème de santé publique majeur en créant un Site dédié : Steps Forward

« Steps Forward » :  un Site permettant de repérer des « Facteurs affectant la satisfaction professionnelle des médecins et leurs implications pour les soins aux patients, les systèmes de santé et les politiques de santé. STEPS Forward ™ propose des stratégies innovantes qui permettront aux médecins et à leur personnel de s’épanouir dans le nouvel environnement des soins de santé. »

Le burn-out est défini comme une réaction au stress caractérisée par une dépersonnalisation (y compris des attitudes cyniques ou négatives à l’égard des patients), un épuisement émotionnel, un sentiment d’échec personnel et un manque d’empathie pour les patients. L’AMA propose aux responsables de service à un ensemble d’outils à télécharger pour travailler à réduire le stress et améliorer la prévention du burnout.

Des tactiques concrètes sont proposées pour améliorer le sentiment de contrôle et de chaos dans les services soignants (notamment en agissant sur les plannings et en externalisant les activités chronophages comme le codage), pour améliorer l’esprit d’équipe et la communication, et pour évaluer et monitorer le risque de burnout.

 

Au final, des solutions sont possibles pour sortir l’hôpital public du burnout. Il s’agit pour l’ensemble des acteurs du système de santé de s’en emparer, de l’Aide-Soignant au Chef de Service, du Directeur d’Hôpital au Ministère de la Santé. 

 


A revoir :


 

 

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Nous remercions vivement  Emilie LEBEE  (Directrice d’Hôpital résidant aux Etats-Unis, Rédactrice en Chef du Blog www.hopital-trotter.com et spécialisée dans l’étude du système de santé Américain et des innovations organisationnelles en santé) de partager son expertise professionnelle en proposant le partage de ses articles, pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com

Emilie LEBEE-THOMAS

Émilie LEBEE-THOMAS, diplômée de l'Université du Minnesota - Carlson School of Management est également Directrice d’Hôpital française (EHESP) au parcours professionnel atypique. Après quelques 10 ans de carrière en France (Hôpitaux de Chartres, puis Assistance Publique – Hôpitaux de Paris), elle a pris un tournant à l’international en s’installant aux Etats-Unis. En novembre 2017, elle a pris la tête du Pôle Santé de l’entreprise Dialog Health (www.dialog-health.com), spécialisée dans l’organisation de voyages d’études professionnels dans la santé et le médico-social. Elle décrit les innovations qu’elle identifie au cours de ses missions internationales sur son Blog (www.hopital-trotter.com). Émilie LEBEE-THOMAS partage avec www.managersante.com des retours d’expériences internationaux susceptibles d’apporter des pistes très intéressantes pour les managers du secteur de la Santé.

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3 réponses

  1. Bonjour et merci de cette intéressante synthèse.
    Cependant, comme l’intervenant précédent, toutes ces pistes sont envisagées depuis de nombreuses années, sans grand retentissement en France.
    En ce qui concerne les modes de financement, n’oublions pas le système allemand, qui va encore plus loin dans le parcours de soins, en reprenant l’exemple de la prothèse de hanche: dans certains assurances, le patient en surpoids ne sera opéré que s’il perd du poids et prend des engagements sur le maintien de sa santé.
    Le transfert des soins gospitaliers vers le domicile est en réflexionet en début d’application depuis longtemps, mais il semble que la conduite du changement n’ait pas été réalisée auprès des populations professionnelles et de patients. Le soins hors de l’hôpital semble être un soin au rabais….
    Le lean management, et son corollaire, le six sigma pour la qualité, sont en application depuis bien longtemps même s’il ne dit pas son nom dans les établissements qui ont fait le choix de s’interroger…. Moi même, je l’enseignais il y a déjà 5 ou 6 ans dans les établissements du Maghreb….
    Le burn-out est le mot à la mode, pour dire que le métier est dur, et de plus en plus dur. Et si le burn-out des médecins est incontestable, il est réducteur de ne pas penser à celui de tous les professionnels du soins, présent en permanence auprès des patients. Et quid de la perte de sens, qui paralyse l’envie de bien faire le fameux brown out?
    Sur les actions sur les planning et l’externalisation de certaines activités, vous n’abordez qu’une bonne partie du problème. La charge en soins et l’absentéisme ne sont pas les seules explications possibles. la problématique est présente et en réflexion depuis plus de 40 ans, mais personne n’a réellement trouvé de solution.

  2. Bonjour,

    Pistes connues depuis un bon moment, et regardées avec envie par beaucoup de professionnels de santé français, en tout cas ceux qui sont opérationnels et non embarqués dans les querelles idéologiques et partisanes qui font le « charme » de notre beau pays, et qui sont en train de creuser sa tombe à long terme – cf à cet égard les cris d’orfraie des syndicats hospitaliers publics dès que l’on parle de Lean à l’hôpital, les cris du même genre des syndicats de médecins lorsque l’on parle de transfert de tâches vers les IDE, etc …

    Le problème chez nous est purement sociétal et politique : qui aura le courage de dire une fois pour toute que les trente glorieuses sont bel et bien derrière nous (quelles qu’en soient les raisons), et que dans la santé comme dans d’autres domaines il est plus que temps de se réveiller, de prendre le taureau par les cornes et d’arrêter de creuser des déficits que nos enfants et petits-enfants devront payer pendant des décennies ? Le problème est que les décideurs ne sont pas les payeurs, que la responsabilité finale est delayée dans les arcanes administratives et politiques, et qu’au final tout le monde se voile la face, parce que pour l’instant ça tient encore ; parce qu’il y a encore beaucoup de professionnels qui se serrent les coudes, qui font le travail du mieux possible, qui ont le sens des responsabilités qui sont les leurs

    jusqu’à quand ? …..

    Merci en tout cas de nous tenir eveillés et de nous montrer que, oui, c’est possible : d’autres le font déjà !

    Bien cordialement,
    DJ

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