N°2, Octobre 2017
Article rédigé par : Louise Massing, Cadre de Santé, INSTITUT CURIE – HOPITAL RENÉ HUGUENIN, Service de médecine oncologique, Paris
Médiateure interne, Titulaire du Certificat d’Aptitude à la Profession de Médiateur Formation à l’École Professionnelle de la Médiation et de la Négociation – EPMN, Bordeaux
Aujourd’hui, lorsqu’une personne est hospitalisée au sein d’un service de soin, elle entre en relation avec une équipe soignante. Cette équipe pluridisciplinaire deviendra la « cellule de base » de sa prise en charge.
L’équipe va mobiliser des ressources humaines, les moyens technique et thérapeutiques, s’adapter à un environnement économique contraint afin de lui assurer une qualité de soin optimale.
Comme l’écrit Myriam Hubinon, directrice générale des instituts médicaux sociaux (IMS) de Ciney en Belgique, dans ouvrage Management des unités de soins « des moyens sont mis en place dans l’organisation des soins infirmiers pour procurer aux personnes hospitalisées des soins sécuritaires en ce qui a trait au nombre et à la qualité des ressources humaines requises ». Il s’agit bien d’assurer une bonne collaboration, une compréhension et coordination efficiente des soins, un dialogue de qualité, nécessaire au sein d’une équipe.
Mais, comment favoriser une bonne ambiance relationnelle entre les membres d’une équipe, pour prodiguer des soins de qualité auprès du patient ?
A partir de mon expérience professionnelle de médiateure interne, je vous propose dans ce nouvel article, 5 conseils pratiques pouvant aider les soignants et leur manager à envisager des pistes d’amélioration pour renforcer la qualité de l’ambiance de travail en équipe.
Valoriser les « affinités » dans les relations de travail en équipe :
Une étude réalisée par un collectif canadien dans l’ouvrage Compétences collectives dans les organisations démontre que la majorité des équipes où règnent une ambiance sereine sont celles où l’information circule et est fiable, et surtout où le rôle des affinités est mis en avant « le plan des affinités (chimie humaine) souligne le rôle –clé que peuvent jouer la bonne entente et le climat de travail. On aurait tort de sous-estimer cette réalité de l’équipe ».
Lorsque j’accompagne une équipe en médiation, auprès des professionnels de santé, j’insiste régulièrement sur ce point. Au cours des ateliers, les soignants rapportent souvent leur point de vue, avec des certitudes ou bien des à priori comme : « nous ne sommes pas là pour s’aimer, ni s’entendre », « De toute façon, je suis ici pour travailler et rien d’autre ». Paradoxalement, ces mêmes professionnels souhaitent aussi avoir une « une bonne ambiance, une cohésion d’équipe ».
En atelier de médiation, je les amène souvent à comprendre que, pour avoir ce climat propice et bienveillant, il faut savoir rechercher les affinités que l’on a avec le ou les collègues, et s’appuyer sur ces dernières afin de créer un dialogue apaisé.
Pour autant, la recherche d’affinité n’est pas aisée, car la plupart des professionnels pensent qu’il ne s’agit que d’affinités amicales.
Il est important de valoriser aussi les affinités au niveau culturel, partager les mêmes valeurs au travail, avoir fait les mêmes études, avoir les mêmes compétences ou appétences pour un domaine donné. Bien évidemment, cette liste n’est pas exhaustive.
Renforcer le « soutien » émotionnel :
De la qualité de ce dialogue découlera un « soutien émotionnel » comme le démontre l’axe « soutien social » du questionnaire de Karasek, un sociologue et psychologue américain qui a conçu un questionnaire en 1979 afin de mesurer le stress au travail :
(Source : Extrait : DARES, Mai 2008, N°22.1, page 3)
Pour arriver à rendre visible ces différentes qualités relationnelles au sein d’une équipe, il faut savoir se parler sans se juger, ni interpréter les propos de l’autre, encore moins contraindre l’autre à penser ou à agir comme soi.
Soutenir une bonne « ambiance » relationnelle :
Ce sont les qualités relationnelles à mettre en avant pour avoir un dialogue apaisé, faciliter les échanges et avoir une belle ambiance relationnelle.
Chantal Gravel , Martin Gravel respectivement psychologue et ergonome, montrent dans leur livre Nouveau management du capital humain que « l’ambiance relationnelle agit comme un catalyseur organisationnel…..nous avons largement constaté à quel point une organisation qui offre un soutien affectif de qualité, souvent qualifié de climat de travail agréable est considéré comme un bon employeur », idem pour un manager.
Ils démontrent aussi le lien qui existe entre la qualité relationnelle, la performance et la pérennité de l’organisation.
Une ambiance relationnelle saine liée à un dialogue apaisé est bénéfique pour les équipes à tous points de vue.
Stimuler « l’intelligence » émotionnelle :
Nous savons également que les équipes soignantes sont confrontées à des situations humaines et émotionnelles difficiles. Une meilleure ambiance émotionnelle servirait à atténuer l’impact que pourrait avoir une fatigue émotionnelle (conflits, erreurs dans les réalisations des prescriptions ou des diagnostiques, démissions, apparition des risques psychosociaux).
Des soignants qui échangent entre eux et qui prennent les décisions ensemble sont plus stables.
Alors comment instaurer ce dialogue, cette ambiance relationnelle ?
Martine-eva Launet et Céline Peres –Court, consultantes seniors au CEGOS dans l’ouvrage La boîte à outil de l’intelligence émotionnelle nous propose trois pistes :
- Apprécier la diversité en construisant la confiance tout en comprenant le point de vue de l’autre.
- Développer des relations efficaces dans un climat de confiance, plus il y a de la confiance plus la relation s’enrichie.
- Maintenir un dialogue fluide et ouvert, c’est-à-dire savoir exprimer et verbaliser ses émotions agréables et ses désaccords sur une situation donnée.
Privilégier une prise de parole libre et décomplexée.
Privilégier « l’esprit positif » de chaque soignant :
Je rajouterais un dernier point que j’utilise aussi en médiation : c’est d’amener les membres de l’équipe à se focaliser sur les éléments positifs qui constituent leur quotidien tout en tenant compte des points négatifs.
En effet, Jackie Kelm, consultante spécialisée dans le domaine du changement et du leadership, auteur de La joie, comment la vivre au quotidien, considère que « ce sur quoi nous nous focalisons prend d’avantage d’importance ».
Pour conclure, une équipe de soins qui privilégie le dialogue dans son fonctionnement, sera une équipe :
- plus stable,
- moins sujette aux erreurs dans sa pratique professionnelle,
- plus bienveillante envers ses membres et ses patients, et enfin
- plus performante, grâce au partage de compétences, que ce noyau positif va générer.
Pour aller plus loin :
[1] Management des unités de soins, Myriam Hubinon, Editions De Boeck, 1998
[2] Compétences collectives dans les organisations, Amhert Charles-Henri et coll, émergence, gestion et développement, les presses de l’université de Laval, 2000
[3] Le Questionnaire de Karasek permet de mesurer et d’évaluer les risques psycho-sociaux en 26 questions à choix multiples sur 3 dimensions ; la demande psychologique, la latitude décisionnelle et le soutien émotionnel
[4] Nouveau management du capital humain, Chantal et Martin Gravel, Presses de l’université du Québec, 2012
[5] La boîte à outil de l’intelligence émotionnelle, Martine-eva Launet et Céline Peres –Court, Edition Dunod, 2017
[6] La joie, comment la vivre au quotidien, Jackie Kelm, Edition le souffle d’or ,2017
Nous remercions vivement Louise Massing, Cadre de Santé, INSTITUT CURIE – HOPITAL RENÉ HUGUENIN, Service de médecine oncologique, Paris, Médiateure interne, Titulaire du Certificat d’Aptitude à la Profession de Médiateur Formation à l’École Professionnelle de la Médiation et de la Négociation – EPMN, Bordeaux, Cabinet de médiation LM, pour partager son expérience dans la rubrique Juridique, pour nos lecteurs de www.managersante.com