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Comment gérer les agressions dans les établissements de santé ? Témoignages d’experts et modes d’interventions

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By David Chassagne,

 

Autrefois terre d’asile, l’hôpital est aujourd’hui le reflet de notre société confronté à une violence quotidienne. Les violences sont nombreuses, diversifiées et récurrentes .les insultes, menaces, coups… mettent sous haute tension les services participant aux soins, à l’accueil administratif,  en créant un climat et des conditions de travail difficilement gérables.

L’hôpital se retrouve donc face à un paradoxe. D’un côté, il doit continuer d’assurer sa mission accueillir des patients et des familles  dans un esprit d’ouverture conformément à sa tradition et de l’autre côté, il doit se  refermer sur lui-même pour protéger son personnel et les autres usagers.

L’Observatoire National des Violences en milieu de Santé : quels chiffres ? 

L’Observatoire National des Violences en milieu de Santé (ONVS) dans son dernier rapport paru en 2015 et portant sur les données de 2014 classe les agressions en 4 niveaux allant de  la simple invective à l’agression physique.

  • Niveau 1 :  Injures, insultes et provocations sans menaces, consommation ou trafic de substances illicites ou prohibées
  • Niveau 2 : Menaces d’atteinte à l’intégrité physique ou aux biens de la personne, menaces de mort, port d’armes
  • Niveau 3 :  Violences volontaires, menaces avec arme, agression sexuelle
  • Niveau 4 :  Violences avec arme, viols et faits qualifiés de crime.

Ces agressions s’exercent aussi bien à l’encontre du personnel médical, des soignants que celui des personnels d’accueil, il faut retenir que nul n’est épargné.

Le rapport de l’ONVS souligne  qu’il n’y a pas plus de violences à l’hôpital, mais leur origine ou leur forme a  changé Ce qui accroît le sentiment d’insécurité ressentie par les professionnels de santé ou le personnel  administratif en lien avec l’accueil du public.

Le rapport cible les principaux motifs de violence. Si les reproches relatifs à la prise en charge constituent le premier facteur (plus de 58%) des cas observés, suivent l’alcoolisation (12%) et le temps d’attente jugé excessif par les patients (11.6%).

Dans la répartition, les injures, insultes et provocations apparaissent en première ligne avec 36.7% des cas. L’ONVS note sobrement qu’aux urgences, « les agressions verbales sont quotidiennes et les agressions physiques nombreuses »…Une sorte de normalisation des comportements.

La réalité actuelle est que cette violence est donc définitivement rentrée à l’hôpital de manière endogène ou exogène.. Le milieu est dramatiquement affecté, les personnels en grande difficulté face à cette problématique.

Les secteurs les plus exposés étant la psychiatrie (25%) dû aux comportements en lien avec la maladie, les secteurs d’urgences (15%) la médecine générale et la gérontologie (12%).

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les régions qui déclarent le plus de faits de violence ne sont pas nécessairement celles qui subissent une criminalité générale la plus importante. Pour preuve, derrière l’ile de France, arrivent la Picardie  et la Basse Normandie

Les atteintes aux personnes représentent la part la plus importante des actes de violences déclarés, avec 87% contre seulement 13% concernant l’atteinte aux biens.

Plus de la moitié de ces 87% sont des coups, des insultes, des injures et, bien que les moins nombreux 1% des faits qualifiés de crimes. Particulièrement grave il s’agit d’agressions par armes blanches, de viol…

Un exemple significatif

Ce mardi 13 septembre, il est 22h49, aux urgences de l’hôpital Delafontaine à Saint Denis, au nord de Paris. Un homme est admis pour un traumatisme crânien. A ses côtés, son frère s’agite, s’inquiète, s’emporte .C’est le Docteur Armand N qui fait les frais des foudres fraternelles. Lhomme l’agresse violemment. Il lui brise les deux mains au point que le médecin doit immédiatement être pris en charge au bloc pour une intervention. Il écopera de 50 jours d’incapacité de travail

Comment accompagner les professionnels, avec quelle démarche ?

Au regard des problématiques évoquées dans cet article, j’ai voulu proposer une démarche de formation pour le personnel travaillant dans ces milieu à risques en prenant en compte des axes de travail différents de ceux qui sont disponibles aujourd’hui sur le marché.

3 axes d’interventions pertinents peuvent être envisagés dans l’approche de la gestion de la violence en milieu de soins.

  • Axe 1 : « La gestion de « l’avant agression » :

Quelles attitudes adopter, quelles paroles, ou quel silence, la négociation…?

Qui de mieux placé qu’un membre des forces de l’ordre ancien Négociateur du RAID et du Gipn, confronté dans son quotidien professionnel à des situations de tension et de stress extrême, que peuvent ressentir les professionnels.

80% des situations de violence peuvent être pris en charge de cette façon en évitant un passage à l’acte violent avec une atteinte aux personnes, il existe des techniques de communication, des attitudes et de nombreux outils que cette formation apporte aux stagiaires.


Témoignage de Didier Gueguen

Ancien négociateur au GIPN puis au RAID 33

Didier GUEGUEN GIGN

« J’ai pu acquérir après 14 années passées dans ces unités (et 26 ans de police) un savoir-faire dans le domaine de la gestion des situations de crises.

Il faut bien souvent, en négociation de crise être capable de négocier en situation de stress et/ou dans la précipitation.

 Malgré tout, dans 80% des cas , ces situations difficiles sont résolues par les mots .

L’analyse de la situation, Les silences, la parole, les gestes et attitudes ou encore l’écoute active sont autant de techniques qui entrent dans le processus de la négociation de crise et qui permettent bien souvent d’éviter le pire. »

Le second axe de travail et tout aussi important est :

  • Axe 2 : « La gestion de l’agression physique »

Qui de plus qualifiés que deux experts en self défense qui plus est Directeur des Soins d’un Centre Hospitalier et Directeur adjoint de clinique responsable des affaires médicales et Doctorant en droit.

Ils ont développé des compétences en gestion de l’agression physique par la pratique à haut niveau dans des grades élevé d’art martial, mais ont aussi une « casquette » de soignant ou d’anciens soignants, tout à fait en adéquation avec la réalité de terrain vécue quotidiennement par les équipes.


Témoignage de  Nathalie  Requier

Directrice des Soins issue de la filière de soins Infirmiers, spécialisée en Anesthésie

Nathalie REQUIER

« J’ai été confrontée à la violence et l’agressivité des secteurs de soins dans lesquels j’ai pu exercer, en tant que soignante mais aussi en tant que manager.

Hélas, l’insécurité se retrouve partout, et pas seulement dans le très médiatique secteur des urgences.

Dans une situation de violence, d’une part ma posture de manager m’oblige à mettre en œuvre les moyens pour protéger les professionnels dont j’ai la responsabilité, pour que le « prendre soin » puisse continuer en toute confiance. D’autre part, ma posture individuelle, me renvoie à ma propre protection grâce à l’approche martiale féminine, enfin, ma posture de formateur, grâce à la méthodologie de la pédagogie active permet aux formés d’avoir les clés

L’approche innovante proposée permet un axe multimodal basé sur le théorico-pratique  qui permet non seulement  de décrypter l’ensemble du processus de l’agression : de la genèse jusqu’aux répercussions psychiques, mais aussi de donner à chacun les moyens d’y faire face. »


Témoignage d’ Olivier DECOSTER

Directeur d’établissement Médecine-Chirurgie-Obstétrique , ancien Directeur des Soins et

cadre de santé en charge des urgences

Olivier DECOSTER

« J’ai souvent assisté à la détresse des soignants confrontés à la VIOLENCE sous toutes ses formes.

C’est pourquoi, j’ai cherché à construire une approche sécuritaire innovante permettant aux personnels des urgences ou de tous les services accueillant un public difficile, une ou des interventions contrôlées permettant de mieux appréhender ces moments intenses en termes de stress.

Cette approche sécuritaire se veut simple, efficace, rapide, pragmatique mais aussi ludique et proactive.

Le principe de cette approche consiste à acquérir des automatismes posturaux, ainsi que des éléments de langage propre à éviter une montée en symétrie tout en maîtrisant l’environnement hostile dans lequel le personnel peut dans certaine circonstance évoluer professionnellement.

C’est dans ce contexte que je propose depuis de nombreuses années ce concept, et que je suis aujourd’hui prêt à continuer à  faire évoluer au contact d’une équipe de spécialistes permettant de gagner en plus-value pour tous les personnels de nos structures de soins sur tout le territoire. »

Enfin le 3ème axe développé dans cette formation, est celui de

  • Axe 3 : « La gestion de la post agression »

Comment vivre après avoir subi une agression physique ou verbale ? Notre intervenante spécialisée est Directeur d’hôpital en disponibilité, psychanalyste psychothérapeute, Docteur en Anthropologie et Commissaire des armées.


Témoignage de  Marie Bonnet

Directrice d’Hôpital et Psychothérapeute

Marie BONNET

« Je propose aux hospitaliers des outils de défense psychique.

En effet, la vie hospitalière confronte parfois à des phénomènes de violence multifactorielle qui peut être toxique si l’on ne met pas en place les défenses adaptées.

L’apprentissage proposé aide à  prévenir les atteintes psychiques.

Un soignant des urgences a été pris dans une rixe angoissante et rentre chez lui après avoir été entendu par la police ?

Que faire pour que l’événement ne devienne pas un intrus psychique ?

Pourquoi les intrus psychiques peuvent-ils être des entraves de long terme ?

Être attentif aux atteintes de la vie psychique est un réflexe de bonne santé, et aide à trouver un équilibre durable dans la vie professionnelle.

Ayant durant ma vie hospitalière observé que souvent les collaborateurs étaient désarmés psychiquement, j’ai acquis la conviction que le coût psychique de la violence était bien trop élevé et avait des conséquences de long terme inacceptables.

Bien sûr, l’intrusion psychique est un concept bien difficile à concevoir, et qui rime avec « invisible », avec « inconscient« .

Nous parlons donc de menaces invisibles et de blessures invisibles : effets du stress de haute intensité, risques des pics d’adrénaline, conséquences du stress dépassé.

Comment prévenir ?

Ces techniques simples diminuent le prix psychique payé par les hospitaliers, c’est un principe d’écologie de l’esprit auquel je suis particulièrement sensible et qui prend tout son sens dans un espace de soin.

Restaurer les défenses psychiques, c’est aussi limiter les vulnérabilités des services de soin qui ont une place importante et stratégique dans notre société. »


Par cette approche en 3 axes avec des regards différents d’experts reconnus, l’équipe de formation  « Dordogne Formation Conseil » souhaite répondre de manière adaptée à la problématique rencontrée au quotidien dans les hôpitaux et centres de soins.

Nous souhaitons proposer des techniques, des outils mais aussi des témoignages et un soutien permettant aux différents stagiaires de pouvoir gérer les différentes phases de la violence.

Nous sommes en relations aussi avec les directeurs de structure afin d’apporter une expertise sur la gestion environnementale des différents secteurs à risques ainsi que des procédures offrant des perspectives d’amélioration des conditions de travail.

David Chassagne, 

Cadre de santé en secteur médico-social  U.S.L.D./U.H.R./S.R.R. ADDICTOLOGIE

Directeur, Dordogne Formation Conseil


Quelques références réglementaires aller plus loin :

CIRCULAIRE DHOS/P1/2000/609 du 15 décembre 2000 relative à la prévention et à l’accompagnement des situations de violence définissait les grands axes d’une politique de prévention des situations de violence.
CIRCULAIRE DHOS/P1/2005/327 du 11 juillet 2005 instaure une remontée systématique des informations relatives aux faits de violence des établissements vers les agences régionales de l’hospitalisation et de ces dernières vers la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins
CIRCULAIRE N°DGOS/PF2/R1/2010/464 du 27 décembre 2010 relative au financement par le fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) du développement des outils de gestion informatisée pour les risques associés aux soins dans les établissements de santé
CIRCULAIRE du 2 mars 2011 relative à la mise en œuvre de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public
CIRCULAIRE du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité et de l’obligation de neutralité par les agents publics
INSTRUCTION N° DGOS/DSR/MISSION DES USAGERS/2011/139 du 13 avril 2011 relative à la conduite à tenir en cas de détention illégale de stupéfiants par un patient accueilli dans un établissement de santé
GUIDE DE LA LAÏCITÉ ET DE LA GESTION DU FAIT RELIGIEUX (2016) dans les établissements publics de santé (rappel du principe de laïcité et de son application, exemples cités)
GUIDE DE PRÉVENTION ET DE TRAITEMENT DES SITUATIONS DE VIOLENCE (2017) dans la fonction publique – DGAFP
PROTOCOLE NATIONAL (12 août 2005) ministères de la santé et de l’intérieur
Améliorer la sécurité des établissements hospitaliers publics et privés
PROTOCOLE NATIONAL (10 juin 2010) ministères de la santé, de l’intérieur et de la justice
Protocole amélioré auquel s’est associé le ministère de la justice
PROTOCOLE NATIONAL (20 avril 2011) ministères de la santé, de l’intérieur et de la justice
Protocole étendu aux 7 ordres des professionnels de santé
Chirurgiens-dentistes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, médecins, pédicures-podologues, pharmaciens, sages-femmes et à 21 organisations professionnelles

Autres sources utiles :

  • Dossier violence à l’hôpital de Patricia Bianchi 01/02/2013
  • Rapport de l’ONVS 2015
  • http://www.faceaurisque.com

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4 réponses

  1. La violence est devenue un quotidien des soignants mais aussi un mode de communication qui va bien au delà des murs de nos établissements de SOINS. On remarque qu elle est cultivée voire naturelle. Helas. Merci pour cet article riche de ces témoignages. Ne laissons pas la Violence devenir une fatalité pour tous : soignés, soignants. Ne laissons pas le malaise de la société nous détourner et polluer notre quotidien.

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