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Les risques d’attentats à l’Hôpital : vigilance renforcée…(partie 2/2)

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N°4, Janvier 2017

by Lionel DRAON


suite de la 1ère partie 

Le terrorisme en V.A.E. ?

Pour qu’une action terroriste soit menée à son terme, il est nécessaire de réunir plusieurs facteurs. Nous venons d’en survoler plusieurs : motivations, effets psychologiques sur la cible choisie et propagande, « facilité » opérationnelle, et moyens ou ressources techniques disponibles.
Reste un volet incontournable du tryptique :

les compétences des terroristes et la reconnaissance des lieux pour l’exécution.

Charly et tout le Bataclan…

A la suite des attaques contre Charly Hebdo, l’enquête avait mis en lumière plusieurs points troublants quant au « mentor » des frères Kouachi, devenu à sa sortie d’incarcération, infirmier à la Pitié-Salpétriêre après avoir suivi un cursus dans un institut de formation en soins infirmiers. Elan de compassion subit de sa part envers les « infidèles » qu’il dénonçait chaque semaine dans ses prêches enregistrés par la DGSI ? Laissons cette question aux psychologues de la police, que ce « red flag » aurait dû, pour le moins, alerter…

La responsable RH de l’hôpital avait déclaré dans la presse n’avoir eu connaissance du lourd passif de cet infirmier que par la diffusion d’un reportage télévisé sur la radicalisation, après les attentats ; le DG de l’époque de l’AP-HP, quant à lui, avait indiqué qu’aucun « screening » (dépistage) n’était requis pour intégrer un IFSI (pas plus, d’ailleurs que d’intégrer un centre hospitalier, à quelque poste que ce fût, en dehors des aspects de sélections scientifiques).

Plus intéressants encore, étaient les échanges avec les services de police a-posteriori qui suivaient cet homme depuis des années pour ses liens avec le terrorisme international, et qui simplement souhaitaient, à l’avenir, être informés d’un « comportement suspect » de la part des ressources humaines de l’hôpital, mais sans les avoir jamais avertis d’un risque potentiel lié au passé mouvementé de cet infirmier.

That is the question !

Qu’est-ce qu’un comportement suspect pour un infirmier stagiaire aux urgences ? Venir armé d’un fusil-mitrailleur ou bardé d’explosifs pour prendre son service aurait probablement attiré l’attention… Mais un particulier excès de zèle professionnel, lui permettant l’accès à nombre de zones sensibles décrites plus haut, n’aurait probablement éveillé aucun soupçon, bien au contraire, lui aurait sûrement ouvert bien d’autres portes…

L’exception doit-elle devenir la règle ?

Pour des milliers de profils professionnels identiques, le screening à l’embauche, plus encore que le profiling prédictif – sur la radicalisation par exemple – une fois en activité, permet de limiter les recrutements aux postes sensibles. Les deux méthodes sont absolument nécessaires, mais ne font pas appels aux mêmes compétences et diffèrent sur la chronologie et dans la durée.

Les gestionnaires des hôpitaux en Europe, et dans le reste du monde, ne semblent pas encore parfaiteent conscients de la menace d’une éventuelle infiltration de terroristes dans leurs établissements, que ce soit pour se procurer du matériel et des connaissances potentiellement dangereuses, ou pour préparer une éventuelle attaque contre l’hôpital. S’ils le sont, conscients, cela reste très diffus, dans un sentiment d’acceptation de risques « inévitables », car peu de pistes concrètes et applications cohérentes leurs sont proposées pour y remédier. Encore une fois, chaque « expert en sûreté » y va de son domaine de compétences ; fort peu encore proposent des plans d’ensembles cohérents et globaux sur un réseau multi-sites.

En tout premier lieu, les autorités chargées de la sécurité de chaque État ne devraient-elles pas référer les hôpitaux comme « infrastructures essentielles » et surveiller les procédures d’emploi et le comportement des employés des hôpitaux ? A tout le moins, des employés clés (si une telle catégorie peut être définie) ?

N’ajoutons pas de complications normatives supplémentaires.

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Juste du bon sens et du professionnalisme.

Bien sûr, les hôpitaux et centres de soins sont déjà encadrés par nombre de normes de sécurité, mais uniquement techniques et médicales. Qu’en est-il du maillon faible, humain ? Ce que l’on conçoit sans peine pour un site industriel sensible, ou le transport public est-il réalisé pour un hôpital ? La gestion des accès est-elle conforme à ce que l’on est en droit d’attendre d’un site potentiellement aussi dangereux qu’un site Seveso ? Les zones les plus sensibles sont-elles réellement protégées – à tout le moins, déjà parfaitement identifiées ? Combien connaissons-nous, nous-mêmes, de portes dérobées pour aller griller notre cigarette discrètement sans éveiller de soupçons ? Combien de codes d’accès aux différentes réserves, inchangés depuis des lustres, ne permettant pas même l’identification des passages et leurs traçabilités ?

L’hôpital comporte, de plus, de très nombreux intervenants extérieurs. Sont-ils toujours parfaitement identifiés ainsi que leurs tâches réellement contrôlées ? Un badge d’identification est nécessaire pour les fournisseurs afin de remplir un rayonnage de yaourts au supermarché, mais ne serait pas pertinent pour pénétrer dans un endroit aussi stratégique qu’un laboratoire ou un stock de produits dangereux, ou encore, accéder à des réseaux de diffusions de fluides ou d’air à l’hôpital ?

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L’équilibre de la sécurité, sans devenir paranoïaque

Les trois principales règles en matière de sécurité personnelle, sont que 1- chacun est responsable de sa propre sécurité ; 2- que le niveau de sécurité doit être proportionnel à la menace et enfin, 3- qu’une attention constante est la base d’une bonne sécurité. Cependant, dans le cas des hôpitaux, le burn-out et le sous-effectif chronique favorise malheureusement une vigilance altérée et ne permet que très peu aux professionnels de santé d’être particulièrement vigilants sur leur propre sécurité. Malgré tout, la sécurité des lieux est une attitude protectrice de chacun, qui doit devenir une seconde nature, sans surcharge de stress. Pour soi d’abord, pour les lieux et patients ensuite. Faute de quoi, des solutions toujours plus intrusives et inconfortables pour les professionnels et les patients sont inévitablement mises en œuvre.

L’imagination vaut pour tous

Ici, comme ailleurs, se trouve un défi sérieux dont les solutions passeront probablement par une réflexion collective et interprofessionnelle pour trouver le juste équilibre, entre les inconvénients et la sûreté minimale nécessaire à assurer à ces lieux, pour les plus démunis face au terrorisme. Réflexion collégiale qui devra également impliquer des réseaux de soins et de secours divers dans des hypothèses catastrophiques, où malheureusement seule l’imagination féconde des terroristes en est la limite.

La sensibilisation des acteurs chargés de la sécurité tout autant que la technologie

Un équilibre devra également être recherché entre la formation et la sensibilisation aux actes malveillants (souvent vus comme incivilités et anodins, mais mis en perspectives avec d’autres, constituent, parfois, des indications précieuses d’une surveillance ou de préparation, ou tentatives, d’actes hostiles), ainsi que sur les nécessaires mesures techniques de contrôles et de surveillance, puis en intégrant, inévitablement, un sceening de sécurité des personnels de l’institution avant leur intégration, y compris les personnels temporaires et artisans extérieurs. La DGSI assure avoir fiché « S » des milliers de radicalisés. Les hôpitaux sont partie intégrante de cette Sûreté de l’Etat. Que ces fichés « S »  s’insèrent – ou se réinsèrent – dans la société en travaillant, c’est logique et probablement souhaitable, mais évitons de les intégrer sur des sites sensibles potentiellement « soft targets » du terrorisme…

Un petit pas pour l’humanité

Ce sera assurément un très grand pas dans le renforcement des mesures de sécurité, jamais complètes, le risque zéro n’existe pas. L’hôpital ne peut contrôler chaque patient ou visiteur à tout instant. Néanmoins, quelques moyens techniques et procédures sérieuses, pour les professionnels en charge de cette sécurité, complétés par une sensibilisation de tous les acteurs, permettront une réelle limitation des risques terroristes en milieu hospitalier. L’enlèvement des nouveaux nés dans les maternités a en grande partie été et éradiqué par ce type de simples mesures techniques et de vigilance accrue du personnel.

L’opportunité d’agir des terroristes est le seul levier sur lequel nous pouvons réellement intervenir.

Utilisons-le à bon escient pour que l’hôpital devienne une « hard target » !

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Lionel DRAON

UNESSD
Union Nationale des Entrepreneurs
des Services de Sécurité et de Défense
Pôle Formations

Professional Bodyguard Association
Head of Clinical Studies


Nous remercions vivement Lionel DRAON, UNESSD et membre de Professional Bodyguard Association, pour partager son expertise  professionnelle en collaboration avec Thierry SZCZEPANIAK , Président de l’UNESSD, pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com

 

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4 réponses

  1. Une démonstration convainquante sur le risque terroriste à l’hôpital. Cependant ne pensez vous pas que les terroristes ont sanctuarisé l’hôpital ? Je n’est pas connaissance d’une attaque d’un centre de soins, bien au contraire c’est toujours un lieu de refuge. Alors pourquoi tirer sur l’ambulance ? Je ne suis pas un adepte du screening pour les personnels car justement c’est aussi la tradition des hôpitaux d’être un lieu qui favorise le « mélange social ». Nous devons préserver ce lieu qui est sans doute le dernier ou le « vivre ensemble » se concrétise. Et puis si l’on pousse encore plus le raisonnement, un terroriste malade ne devrait pas être soigné. Ce qui est une absurdité sans nom.

  2. Bonjour,

    Je voudrais ajouter une remarque à ce document. Aujourd’hui, les laboratoires hospitaliers doivent obligatoirement avoir un accès sécurisé (digicode, badge d’accès, traçabilité de toutes les personnes étrangères au service venant au labo : commerciaux, techniciens SAV…). C’est une obligation normative (norme EN ISO 15189).
    Il est vrai que les établissements hospitaliers sont de vrais « gruyères ».

    1. Merci pour cette info. Nous avons eu une intervention récemment sur les risques d’attentats. Infos que nous devons relayer au personnel de nos services.

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