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Les conditions de la coopération des salariés en situation de travail (Partie 1/2)

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N°3, Janvier 2017


L’éthique au travail est un thème en vogue depuis des années déjà. Le besoin pressant  de promouvoir une telle valeur dans les organisations du travail est il seulement une tendance managériale, un moyen de développer des relations de confiance, essentielles à sa crédibilité ? Ou bien le monde moderne a –t’il pris la mesure de la dégradation du vivre ensemble

Que ce soit au sein de la famille ou dans l’entreprise, l’individu traverse sa vie avec son histoire, son bagage culturel, ses propres valeurs. Les individus forment des groupes qui se caractérisent par des préceptes explicites ou non explicites, dans une société dont les lois délimitent des interdits.

 Les organisations ne sont pas faites seulement de briques et de chaux, produits et argent, elles sont aussi faites de personnes. Les personnes les créent, les font fonctionner, et les nourrissent dans leur cœur et leur esprit. Les personnes sont l’aspect le plus important des organisations, et sont souvent l’aspect majeur dans le quotidien des entreprises. 

Une entreprise qui souhaite avoir une approche éthique de son management, renforcer des valeurs comme coopération, assertivité, motivation, écoute active des besoins, réponse intégrée à la demande et d’autre part insérer son action dans le cadre de la Responsabilité Sociétale des Entreprises doit donner les moyens à ses collaborateurs d’accéder à la compréhension  des processus qui en permettent l’expression.

Le travail est d’abord  source de promesses:

–   Promesse d’émancipation sociale par l’autonomie financière, d’accès à la maturité par le dépassement de la dépendance aux parents.

–  Promesse d’accomplissement de soi par le regard des autres sur notre travail: regard des usagers,des patients, des clients qui nous donnent, ou pas, la sensation d’être utile au monde. Regard de la hiérarchie sur le travail accompli par rapport aux moyens donnés plutot que par rapport aux objectifs à atteindre.

–   Promesse d’arriver à dépasser les situations sociales ou psychogiques de l’enfance que le métier que nous choisisson peut nous aider à transformer en œuvre originale.

–   La richesse du travail se trouve en fait  surtout dans l’écart entre le travail tel qu’on nous demande de le faire, dit travail prescrit,  et tel que nous  l’exécutons, dit travail réel. Dans cet écart se déploient toute notre énergie personnelle, notre créativité, not notre intelligence du reel. Mais il est toujours dommage que ces savoir faire demeurent invisibles..

–   Promesse aussi d’aller à la rencontre des autres, car le travail est aussi l’apprentissage du vivre ensemble, condition de la construction de la coopération et de la solidarité. Le monde du travail est l’espace social qui nous oblige à sortir de nous-mêmes, à interagir, partager et nous confronter avec tous les autres.

–   Travailler, c’est se travailler et travailler ensemble.

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La coopération :

De la coopération, on peut proposer la définition suivante « La coopération : ce sont les liens que construisent entre eux des salariés en vue de réaliser, volontairement, une oeuvre commune. »

Cette définition souligne plusieurs dimensions de la coopération :

1) La notion de liens qui associent les  salariés entre eux, implique des relations  de compréhension réciproque mais aussi, d’interdépendance et d’obligation. Ces liens sont de nature symbolique et ne peuvent être considérés comme coopératifs que lorsqu’ils sont dotés d’une certaine stabilité. Ces liens ne sont pas donnés. Ils sont le résultat d’une construction humaine et non l’effet d’un environnement ou d’une contrainte extérieure. Ce qui n’exclut pas l’existence d’une contrainte externe (l’organisation du travail).

Mais la notion de construction implique que la coopération passe par l’initiative des salariés. Sans le relais de cette initiative, les contraintes n’ont pas d’effet durable. Les contraintes peuvent tout aussi bien susciter la passivité, la résistance, l’individualisme ou la grève du zèle.

La forme des liens de coopération n’est pas donnée par l’extérieur, elle dépend du contexte subjectif, social et matériel du travail.

2) Volontairement : l’adverbe
renvoie non seulement à l’intentionnalité d’une action (l’intentionnalité peut avoir une face consciente et une face non consciente), mais à la formation d’une volonté collective. La notion de volonté renvoie à la liberté des salariés et à la conscience de l’engagement qu’implique la coopération.

3) Œuvre commune : la notion d’oeuvre renvoie à la distinction faite par Hannah Arendt entre travail et oeuvre (= activité finalisée et menée de bout en bout par un sujet ou par un collectif). La notion d’oeuvre suppose la synthèse entre les activités singulières d’une part et le sens de ces activités d’autre part. Sens par rapport à une finalité à atteindre dans le monde objectif ; sens de ces activités par rapport à des valeurs dans le monde social ; sens, enfin, par rapport à l’accomplissement de soi dans le monde subjectif. L’adjectif commune renvoie à un sens commun partagé par les membres du collectif ainsi constitué.

De la définition de la coopération dérive la notion de collectif :

la coopération est ici ce qui fonde un collectif de travail. En l’absence de coopération, la réunion spatiale et/ou temporelle de plusieurs salariés aboutit à la formation d’un groupe (ou au maximum d’une foule) mais pas d’un collectif, stricto sensu.

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Nature des liens de coopération

Les liens de coopération construits par les membres d’un collectif ne sont pas donnés de l’extérieur. L’organisation du travail ne prescrit pas la forme de ces liens. L’organisation du travail définit la division des tâches entre les opérateurs, leur répartition, c’est-à-dire qu’elle procède avant tout dans le sens de l’analyse et non de la synthèse du travail.

D’autre part, l’organisation du travail définit les modalités de la division des femmes et des hommes, c’est-à-dire les relations hiérarchiques, les obligations réglementaires, les prérogatives, les responsabilités et les relations de pouvoir et d’obéissance entre salariés.

Généralement, dans notre pays, l’organisation du travail insiste davantage sur les relations de discipline et de pouvoir, sur les limites des domaines de compétence que sur les liens de coopération, donc sur ce qui divise plutôt que sur ce qui unit.

Peut on cependant admettre que la division technique et sociale du travail n’apporte aucune contribution aux liens de coopération ?

Non ! En fixant les statuts, les rôles, les domaines de compétence et d’autorité, les responsabilités – de chacun – l’organisation du travail donne un cadre de référence sans lequel aucune coopération ne serait possible. L’apport indirect de l’organisation du travail à la coopération est donc essentiel.

L’organisation du travail fixe essentiellement les relations entre fonctions et renvoie la charge de l’organigramme aux directions du personnel. Organisation du travail et management donnent, avec une certaine précision, une description et une prescription des relations entre les personnes, mais essentiellement dans le sens vertical, et de haut en bas.

Nous réserverons donc, par différence, la dénomination de coopération pour désigner les relations horizontales entre collègues, d’un même niveau hiérarchique, les relations verticales, mais cette fois du bas vers le haut.

Dans ce domaine des relations horizontales et ascendantes, l’organisation du travail et le management procèdent par appel à la mobilisation, à l’engagement, voire au dévouement ou au sacrifice, selon des modalités essentiellement idéologiques : culture d’entreprise, voire stages hors limites (saut à l’élastique et autres marches sur les charbons ardents.

Or, les liens entre les salariés dans la coopération, c’est-à-dire cette fois face aux difficultés réelles rencontrées dans le travail en situation, sont spécifiques de la tâche et des activités qu’elle implique. C’est pour pouvoir coordonner leurs actions singulières que les salariés tentent d’établir entre eux des liens unificateurs.

En d’autres termes, ces liens revêtent fondamentalement la forme de « règles de travail » construites par les salariés d’un collectif pour faire face à ce qui n’est pas déjà donné par l’organisation prescrite du travail.

Suite de  l’article de Marie PEZE  le mois prochain 

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Nous remercions vivement notre spécialiste, Marie PEZE, psychanalyste et docteur en psychologie, ancien expert judiciaire (2002-2014), est l’initiatrice de la première consultation « Souffrance au travail » au centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre en 1996. À la tête du réseau des consultations Souffrance et Travail, ouvert en 2009 le site internet Souffrance et Travail, pour partager son expertise en proposant sa Rubrique mensuelle, pour nos fidèles lecteurs de http://localhost/managersante 

 

Marie PEZE

Docteur en Psychologie, psychanalyste, expert judiciaire près la Cour d’Appel de Versailles. Responsable de l’ouverture de la première consultation hospitalière « Souffrance et Travail » en 1997, responsable du réseau des 130 consultations créées depuis, responsable pédagogique du certificat de spécialisation en psychopathologie du travail du CNAM, avec Christophe Dejours. En parallèle, anime un groupe de réflexion pluridisciplinaire autour des enjeux théorico-cliniques, médico-juridiques des pathologies du travail qui diffuse des connaissances sur le travail humain sur le site souffrance-et-travail.com Bibliographie : Le deuxième corps, Marie PEZE, La Dispute, Paris, 2002. Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, Pearson, Paris, 2008, Flammarion, collection champs en 2009 Travailler à armes égales, Pearson, 2010 Je suis debout bien que blessée, Josette Lyon, 2014

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